Divorce : mesures provisoires décidées par le juge aux affaires familiales visant les époux
Depuis le 1er janvier 2021, une réforme du divorce a été mise en vigueur, bouleversant en profondeur les pratiques judiciaires observées jusque là.
L’instance contentieuse est ouverte par la signification d’une assignation adressée à l’initiative de l’époux demandeur à son conjoint, qui l'invite à se présenter avec l'assistance d'un avocat à une audience se tenant au cabinet d'un Juge aux affaires familiales (JAF) .
Cette audience appelée d’orientation et sur mesures provisoires, se déroule en présence des deux époux et de leurs conseils.
Cette audience d'orientation et sur mesures provisoires revêt une importance toute particulière car elle est l'occasion unique offerte aux époux et à leurs conseils de s'adresser directement au JAF pour la défense de leurs intérêts.
Le Juge aux affaires familiales (JAF) invite les parties et leurs conseils à exprimer leurs souhaits sur les conséquences de la séparation des deux époux. Il ne recherche plus, comme dans l’ancienne procédure de divorce, la conciliation.
Après cette audience, le Juge aux affaires familiales rend une ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires avec l’indication de la date de début de la phase de mise en état, au cours de laquelle les conseils des parties échangeront uniquement sous forme de conclusions dématérialisées sur le fondement du divorce et sur les orientations relatives à la liquidation de leur régime matrimonial.
L’ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires comporte un ensemble de décisions prises par le JAF, qui peuvent être remises en cause jusqu’à la date où le jugement de divorce prend susceptible de recours.
Médiation
Lors de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires, le JAF entend successivement les époux et leurs conseils pour apprécier l’étendue de leurs divergences sur les conséquences de leur séparation.
Lorsque les divergences sont trop grandes, le JAF peut proposer aux époux une mesure de médiation, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder (Code civil art. 255-1).Dans son ordonnance, le JAF précisera les modalités pratiques du processus de médiation.
Le JAF peut également enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation (Code civil art.255-2).Cette injonction ne contraint toutefois pas les époux à recourir à une médiation. Elle ne vise qu' à les inciter à renouer un dialogue.
Le domaine d’intervention peut être très général, justifié par l’interdépendance des causes et des diverses conséquences du divorce. Tous les points du conflit familial sont souvent liés et justifient une approche globale.
Le médiateur doit accomplir sa mission avec impartialité, compétence et diligence.
En cas d’échec de la médiation, le JAF tranchera le conflit entre les parties.
Acceptation des époux sur le principe de la rupture du mariage
Lorsque les deux époux manifestent une volonté commune de rupture de leur mariage sans avoir à énoncer les faits et le comportement de chacun à l’origine de son échec, leur acceptation peut être exprimée dès l’audience d’orientation et sur mesures provisoires.
L’expression de cette acceptation est formalisée dans un procès-verbal dressé par le JAF et signé obligatoirement par les époux et leurs avocats respectifs.
La volonté réelle, libre et éclairée exprimée au travers de l’acceptation reste néanmoins soumise à la vigilance du JAF.
L’acceptation régulièrement exprimée n’est pas susceptible de rétractation « même par la voie de l’appel » (C.C. Art.233 al.2).
Le procès-verbal d’acceptation est annexé à l’ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires.
Résidence séparée des époux
La résidence des deux époux est prise en compte par le JAF au moment de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires.
Si les deux époux ont élu une résidence séparée avant l’audience, le JAF se bornera à constater cette situation dans l’ordonnance.
La volonté d’un des époux d’avoir une résidence séparée n’est plus constitutive d’une faute, mais, au contraire, comme le droit à l’exercice d’une liberté fondamentale d’aller et de venir incluant de fixer librement sa résidence.
Si les deux époux se présentent à l’audience d’orientation et sur mesures provisoires en vivant au sein du même domicile, le JAF rappellera que le divorce implique de plein droit un domicile distinct.
L’époux qui ne bénéficie pas du droit de jouissance du logement familial sera invité par le JAF à quitter le domicile familial dans le délai qu’il fixera sous peine d’expulsion. La fixation de la durée du délai peut éventuellement prendre en considération les difficultés pouvant être rencontrées par l’époux devant se reloger.
Jouissance du logement et du mobilier du ménage
En principe, le JAF attribue le logement familial et le mobilier du ménage à celui des époux auprès duquel les enfants mineurs seront domiciliés.
Le JAF a l’obligation de préciser le caractère gratuit ou non de l’attribution de la jouissance du logement, peu importe que celui-ci soit la propriété des deux époux ou de l’un d’eux.
Le JAF peut constater l’accord des époux sur le montant de l’indemnité d’occupation, mais ne peut en fixer le montant en cas de désaccord des parties.
En cas de silence de l’ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires au sujet du caractère de la jouissance, la Cour de cassation a décidé que la jouissance privative d’un bien indivis par l’un des époux au cours de l’instance en divorce devait être considérée comme onéreuse, sauf à démontrer une décision implicite du juge de caractère gratuit de la jouissance.
Un éventuel caractère gratuit de la jouissance du logement n’est envisageable que dans le cas d’un devoir de secours retenu temporairement jusqu’au divorce, devenu irrévocable en présence d’un époux en situation financière particulièrement précaire.
Le JAF peut ordonner la remise réciproque des vêtements et objets personnels et étendre celle-ci aux vêtements et objets personnels des enfants.
Le JAF peut, de plus, autoriser l’époux devant quitter le logement familial à emporter une partie du mobilier qui lui serait nécessaire pour aménager sa résidence séparée ou les objets utiles à l’exercice à sa profession, notamment un véhicule automobile.
Relations pécuniaires entre les époux
Ces relations pécuniaires peuvent être prises en compte sous deux aspects, la prise en compte de la disparité des revenus entre les deux époux entraînant un abaissement pour l’un d’eux du niveau de vie dont il pouvait bénéficier durant la vie conjugale d’une part, le règlement des dettes d’autre part.
En vertu de l’article 255-6° du Code civil, le JAF peut fixer une pension alimentaire que l’un des époux devra verser à son conjoint qui serait demandeur pour maintenir le train de vie connu pendant la vie commune.
Si l’époux le moins riche dispose de moyens pour maintenir son train de vie, il ne peut prétendre à une pension alimentaire.
Sur le plan fiscal, cette pension alimentaire est imposable, au titre de l’impôt sur le revenu du bénéficiaire et déductible des revenus du débiteur.
L’article 255-6 permet aussi au JAF de fixer une provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser au conjoint qui ne disposerait pas de ressources personnelles suffisantes pour faire face aux frais exposés pour le procès en cours.
La provision allouée ne constitue qu’une avance imputable à l’époux qui en bénéficie dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial.
Le montant de la provision ad litem est apprécié souverainement par le JAF et échappe au contrôle de la Cour de Cassation.
En vertu de l’article 255-8 du Code civil, le JAF peut désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes. Ces dettes peuvent être constituées d’un remboursement de crédit immobilier, de prêts à la consommation ou de règlement de dettes fiscales.
De tels règlements seront pris en compte dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des époux, sauf dans le cas où le remboursement a constitué une modalité du paiement de la pension alimentaire ayant un caractère de devoir de secours.
La décision rendue par le JAF ne concernant que les relations pécuniaires entre les époux est inopposable aux tiers.
Dans le cadre des relations pécuniaires pouvant exister entre les époux, il convient d’invoquer le cas exceptionnel des avances sur la liquidation du régime matrimonial.
L’article 255-7 du Code civil dispose, en effet, que le JAF peut accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur les droits dans la liquidation de leur régime matrimonial si sa situation le rend nécessaire.
L’intérêt de la mesure est de permettre à l’époux demandeur de faire face à des dépenses exceptionnelles entraînées par son changement de situation en l’absence de patrimoine personnel. La mesure peut prendre la forme de versements mensuels.
L’époux demandeur doit démontrer que ses droits, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, sont supérieurs aux sommes réclamées.
Le JAF peut éventuellement allouer une avance en nature, telle l’attribution d’une automobile acquise au cours du mariage et nécessaire à l’époux demandeur pour l’exercice de sa profession.
Votre avocat en droit de la famille saura vous guider au travers ces différentes mesures.
Les mesures provisoires jouent en conclusion un rôle crucial en encadrant la vie des époux et de leurs enfants durant la procédure de divorce. Elles peuvent être modifiées en cas d’éléments nouveaux et prennent fin le jour où le jugement prend force de chose jugée (Code civil art. 254) et non pas à la date du prononcé du divorce. Elles laissent place aux mesures accessoires fixées dans le jugement final.